Bio…ma p’tite histoire…

Photo: Marie-Andrée Lemire

J’ai toujours su que je finirais dans les arts, n’étant pas particulièrement douée ailleurs à l’école. Dès l’enfance, je dessinais, inventais des histoires et montais des pièces de théâtre avec mes sœurs. Sous la table de couture de ma mère, où je jouais avec mes Barbies, je m’imprégnais inconsciemment de son univers de couturière et de nos nombreuses visites à Fabricville. À huit ans, elle m’a emmenée voir Le Fantôme de l’Opéra, et j’en suis restée émerveillée. Les costumes, les décors, la musique : tout me fascinait, éveillant ma sensibilité pour la fantaisie et les destins tragiques.

Ignorant que cet univers pouvait s’étudier, j’ai d’abord suivi un parcours traditionnel en beaux-arts au cégep, pensant devenir peintre ou artiste d’installation. Mais ne me sentant pas tout à fait à ma place, j’ai rejoint un club de théâtre qui m’a été une expérience enrichissante. Vers la fin de mes études, une pièce marquante m’a bouleversée. L’énergie du public m’a révélé que je voulais faire partie de cet univers. Cette découverte m’a menée à la scénographie à l’École nationale de théâtre (ENT), où j’ai enfin trouvé ma place. Avant d’y entrer, j’ai renforcé mes bases en beaux-arts à Florence, en Italie. Le dessin et la peinture restent pour moi une source de méditation et de renouveau.

Près de vingt ans après mon diplôme, ma passion pour la conception de costumes demeure intacte. Ce métier repose sur la connexion pour moi : aider les interprètes à incarner leurs personnages. Il s’agit de raconter une histoire, d’habiller le corps et l’âme. J’aime surtout collaborer avec les artisans—couturiers, chapeliers, teinturiers, cordonniers, accessoiristes. Leur savoir-faire me fascine et mérite d’être honoré et préservé. Ce que les mains peuvent créer continue de m’émerveiller et donne tout son sens à ma vocation.

En tant qu’âme créative, j’ai fondé The Bag Lady Atelier, une boutique dédiée à des créations uniques réalisées à partir de tissus récupérés, en hommage à ma mère. Pendant le confinement, j’ai également lancé Musée Vivant, un projet théâtral explorant la représentation des femmes dans l’art classique, soutenu par le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ). Depuis plusieurs années, j’encadre des étudiants à l’ENT, transmettant avec simplicité et accessibilité le savoir acquis au fil de ma carrière. J’ai également eu l’honneur d’être Résidente Hooper de Design en 2020-2021.

Ma tante m’a un jour appelée «colporteuse de beauté», un compliment cher à mon cœur. Pour moi, la beauté est la puissance de transformation: réparer l’usé, sublimer le brisé, et faire de la création un acte de résilience et d’optimisme. À mes yeux, être artiste est une quête de solutions, une «correction constante des erreurs», comme l’a dit John Berger. C’est pourquoi ce métier me correspond : la croissance, l’amélioration et la transformation sont au cœur de mes valeurs.

Enfin, mon engagement bénévole pour des causes qui me sont chères complète ma pratique artistique en m’offrant un équilibre essentiel. Tout comme l’art, cet engagement est une manière de transformer, de réparer et d’apporter du sens, renforçant ainsi ma conviction que chaque action, qu’elle soit créative ou altruiste, a le pouvoir d’embellir le monde et de le rendre plus humain.


English

I always knew I would end up in the arts, as I wasn’t particularly gifted in other school subjects. From a young age, I loved drawing, inventing stories, and putting on plays with my sisters. Under my mother’s sewing table, where I played with my Barbies, I unconsciously absorbed her world of dressmaking and our many trips to Fabricville. When I was eight, she took me to see The Phantom of the Opera, and I was mesmerized. The costumes, the sets, the music—all of it captivated me, awakening my sensitivity to fantasy and tragic destinies.

Unaware that such a world could be studied, I initially pursued a traditional path in fine arts in Cegep, thinking I would become a painter or installation artist. But feeling somewhat out of place, I joined a theatre club, which turned out to be an enriching experience. Toward the end of my studies, a particularly impactful play moved me deeply. The energy of the audience revealed to me that I wanted to be part of this universe. This discovery led me to study Set and Costume Design at the National Theatre School, where I finally found my true place. Before starting at NTS, I strengthened my foundation in fine arts with a summer program in Florence, Italy. Drawing and painting remain for me a source of meditation and creative renewal.

Nearly twenty years after graduating, my passion for costume design remains unwavering. For me, this craft is about connection: helping performers fully embody their characters. It is about telling a story, clothing both the body and the soul. I especially enjoy collaborating with artisans—tailors, milliners, dyers, shoemakers, prop makers. Their expertise fascinates me and deserves to be honored and preserved. What hands can create continues to amaze me and gives profound meaning to my vocation.

As a creative soul, I founded The Bag Lady Atelier, a boutique offering unique creations made from reclaimed fabrics, in honour of my mother. During the pandemic, I also launched Musée Vivant, an immersive theatre project exploring the representation of women in classical art, supported by the Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ). For several years, I have mentored students at NTS, sharing the knowledge I’ve gained throughout my career with simplicity and accessibility. I also had the honour of being the Hooper Design Resident in 2020-2021.

My aunt once called me a “peddler of beauty,” a compliment close to my heart. To me, beauty is the power of transformation: repairing what is torn, elevating the broken, and making creation an act of resilience and optimism. For me, being an artist is a quest for solutions, a “constant correcting of errors,” as John Berger once said. This is why this profession resonates so deeply with me: growth, improvement, and transformation are at the core of my values.

Finally, my volunteer work for causes dear to me complements my artistic practice, offering me an essential balance. Like art, this engagement is a way to transform, to repair, and to bring meaning, reinforcing my belief that every action, whether creative or altruistic, has the power to beautify the world and make it more human.