Pour donner la parole à celles qui n’en ont pas eue…et la liberté de reprendre le contrôle de leur propre récit.

Synopsis: Dans un musée postapocalyptique, huit portraits de femmes prennent vie, guidées par l'agente de sécurité, afin de partager leurs véritables histoires qui ont été faussement racontées pendant des siècles. Au cours de cette nuit d'incarnation, elles s'émancipent des clichés d'archétypes et de muses, reprenant ainsi le contrôle de leur propre récit. Elles renversent enfin le cadre sur le monde qu’elles n’ont pas vu évoluer depuis leur création.

Teaser du projet d’après le 2e laboratoire en septembre 2022. Réalisation: Alejandro De Leon

Mini-doc du premier laboratoire de création en mai 2022 à l’Espace Libre. Réalisé par Alejandro De Leon.

Personnages des portraits

De gauche à droite: Ève de Adam et Ève chassés du Paradis (Cesari, 1600), Simonetta Vespucci de La naissance de Vénus (Botticielli, 1490), Artemisia Gentileschi, peintre de Susanna et les aînés (1622), Méduse de Tête d’une gorgone (Turner, 1891), Salomé de L’Apparition (Moreau, 1877), La buveuse d’absinthe (Picasso, 1901), Anna Akhmatova (Modigliani, 1911), Créature de la mort dans Le Jardin des délices (Bosch, 1504).

Lettre de motivation

La femme est un sujet primordial de la peinture occidentale. Ces fameux portraits de femmes, encore vénérés, étudiés et analysés à ce jour, quel serait leur discours si elles pouvaient nous parler aujourd’hui ? À travers les siècles, elles ont été observées autant qu’elles ont observé les époques qu’elles ont vu passées. Le projet Musée Vivant veut faire tourner la lentille, changer le regard et le récit et donner vie à ces peintures, afin que nous puissions écouter ce qu'elles ont à dire sur le monde actuel, sur leur public, leur créateur, leur représentation. Ces portraits ont été en quelque sorte piégées dans une époque et nous trouvons toujours pertinent de les étudier aujourd'hui pour des raisons techniques et historiques mais aussi comme référence de beauté féminine accomplie. Cette référence inconsciente qui nourrit notre regard sur la femme, son impact sur la beauté ainsi que le standard de celle-ci, est aujourd’hui pourtant limitative et désuète.

L’exploration de la représentation féminine de l'art classique (de l’Antiquité Grecque (850 B.C) au Réalisme (1900), m'a amené à étudier comment les archétypes féminins sont représentés dans ces peintures. Carl Jung, psychanalyste du 19e siècle, qui a écrit sur le symbolisme, le rêve, le tarot, etc., a élaboré sept archétypes féminins principaux : la mère, la reine, l’amante, la jeune fille, la sage, la mystique et la chasseresse. Ces images font parties intégrantes dans la mythologie et servent encore de références dans la fiction populaire actuelle ainsi que l’interprétation du symbolisme des rêves : l’idéologie du présent est bâtit sur le passé. Le Musée Vivant réunit ces archétypes et ouvre une discussion sur la façon dont la représentation des femmes par l'art classique a façonné nos préjugés collectifs sur la condition féminine.

Logé dans un espace déambulatoire, comme par exemple une salle d’exposition ou un lieu désaffecté, le public est invité à circuler librement d’oeuvre en oeuvre. Le parcours évolue dans des alcôves et des espaces plus larges où on retrouve différentes stations et dispositifs, chacun représentant une oeuvre particulière et un des sept archétypes aussi. Le Musée Vivant est interactif. L’aménagement de l’espace permet un échange entre les femmes-tableaux et le public. Celui-ci interagit, commente mais surtout, écoute. Le Musée Vivant permet à ces femmes-tableaux de se libérer et de se rencontrer entres elles aussi. La performance est présentée de manière aléatoire: c’est–à-dire qu’il y a un canevas de base pour les actrices qui improvisent selon la réaction du public.

Plus le circuit avance, plus une parole contemporaine et anachronique repositionne les femmes-tableaux et leur signification universelle dans notre monde actuel ; confrontation des discours, des référents, des courants de pensées. Vers la fin du parcours, elles se rassemblent pour créer un nouveau tableau aux airs de bacchanales, révolutionnant notre regard sur la représentation de la femme et ses archétypes. Que sont-elles devenues aujourd’hui?

Ce projet s’ancre dans mon parcours artistique de deux manières : premièrement, comme conceptrice de costumes. Ma source primaire de recherche pour un projet d’époque est toujours l’art classique. Je gravite toujours vers lui pour nourrir ma compréhension d'une époque. La somptuosité des textiles et les palettes lumineuses illustrées sont d’une immense source d’inspirations. En second lieu, ma pratique de peintre m'amène également à plonger profondément dans l’étude de l’art classique comme une mine d'or de théorie et de technique en matière de peinture à l'huile et autres mediums. Mais avant tout, c’est en tant que femme que je suis interpellée vers cette recherche et création. Mon rapport à ces portraits a changé au fil du temps et m'amène à m'interroger sur ma propre identité et comment ces oeuvres ont formé l’idée de la féminité chez moi.

N’oublions pas que l'art classique fut dominé par des maîtres artistes qui étaient tous des hommes. Le Musée Vivant est né d'un désir personnel de donner la parole à ces portraits par leurs propres perspectives féminines. Donner l'autorité de la représentation féminine aux femmes. L'art européen domine l’histoire de l’art aussi. Le Musée Vivant réunit des interprètes féminines de différentes ethnies pour incarner ces portraits comme un moyen délibéré de donner une nouvelle perspective à la représentation des femmes.

Pour les femmes-tableaux du Musée Vivant, la pudeur est mise de côté, les chaînes sociales de leurs temps se desserrent, leurs vraies natures se libèrent. Le cadre est brisé et elles se rencontrent ainsi que ses spectateurs pour la première fois depuis leur création. Passer de l’objet silencier à l’artiste qui prend parole. Pour ma part, je ne veux plus simplement regarder ces peintures. Je veux les écouter. Grâce au Musée vivant, elles pourront avoir libre cours sur la liberté d'expression. Enfin.

-Jessica Poirier-Chang, 2021


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